Notre lettre 692 publiée le 25 avril 2019

GRANDE ENQUÊTE DE PAIX LITURGIE SUR LE CATHOLICISME EN CORÉE : SECONDE PARTIE

« Demain la Corée deviendra un foyer rayonnant de catholicisme traditionnel »

Nous approfondissons cette semaine notre grande enquête sur le catholicisme en Corée en nous intéressant aujourd’hui à l’émergence du monde traditionnel au pays du matin calme.

Pour cela nous poursuivons notre entretien avec João Silveira qui continue à nous présenter les informations recueillies lors de son voyage missionnaire effectué dans ce pays en mars 2019.


Q – Paix Liturgique – Comment se sont effectués les changements liturgiques postconciliaires en Corée ?

R – João – L’Église coréenne, fondée sur la culture confucéenne, est une Église ou l’obéissance à l’autorité est de règle. Aussi, l’épiscopat coréen a-t-il adopté immédiatement et rigoureusement les changements postconciliaires, notamment la réforme liturgique qui a été appliquée, comme Rome l’avais demandé, dès sa promulgation à partir de 1964 et jusqu’en 1969.


Q – Paix Liturgique – La liturgie traditionnelle a donc totalement disparu du pays ?

R – João - Oui je le pense car, je le rappelle, il n’est pas dans la mentalité coréenne de résister à l’autorité même lorsque l’on est convaincu de devoir le faire. Aussi l’on peut considérer que dès 1969 la liturgie traditionnelle n’a plus été célébrée en Corée.


Q – Paix Liturgique – Pensez-vous qu’il ait subsisté des ilots de résistance ?

R – João – Ce n’est pas impossible et la suite de mes propos permet sans doute de le croire. Cependant, si des célébrations traditionnelles ont continué ce fut dans une semi clandestinité, sans que cela ait été connu des autorités épiscopales et paroissiales.


Q – Paix Liturgique – Pouvez-vous précisez ?

R – João – A notre connaissance, des fidèles coréens sont entrés en relation avec l’association Una Voce au cours de ces années de plomb, mais cela n’eut pas immédiatement de résultat visible dans le cadre officiel de l’Eglise de Corée.


Q – Paix Liturgique – De quand date la renaissance ?




R – João – Comme je vais le montrer, il y eut en Corée deux sortes de renaissances. La renaissance « officielle », la seconde, eut lieu lors de la célébration d’une première messe selon la forme extraordinaire le 13 mai 2009 soit deux ans après le motu proprio Summorum Pontificum, dans l'Église de Yongsan à Séoul, à la suite d’une conférence donnée par le professeur Martin Mosebach en Corée dans le cadre des activités du Goethe Institute. La messe a été célébrée par le Père Michael Bauer, curé de la paroisse allemande de Shanghai, en Chine, et c'est le professeur Mosebach lui-même qui a servi la messe, devant une assemblée de plus de 200 fidèles qui, pour beaucoup, n’avait jamais assisté à une messe traditionnelle en latin. Ce fut pour ceux que j’ai rencontré un moment historique ( pour en savoir visionnez la vidéo ).




Q – Paix Liturgique – Et la première renaissance ?

R – João – Historiquement c’est la Fraternité Saint-Pie X qui, la première, a réintroduit la messe traditionnelle en Corée dès les années 80 à la suite des demandes répétés de ces fidèles qui étaient entrés en contact avec Una Voce. Pendant longtemps la Fraternité n’est venue qu’occasionnellement en Corée mais depuis 1993 la célébration est devenue mensuelle dans une chapelle de Séoul. Actuellement la messe est célébrée bimensuellement pour une soixantaine de fidèles, avec une présence sacerdotale de 9 jours autour de la célébration pour assurer le catéchisme les confessions et l’apostolat auprès des familles. Les deux prêtres qui desservent la Corée viennent de l’un des prieurés de la fraternité à Manille (capitale des Philippines).




L'un d'eux est le Père Tomás Onoda, un prêtre japonais très apostolique. La fécondité de cet apostolat n’est pas négligeable car déjà il a généré 5 vocations sacerdotales et plusieurs vocations religieuses. Outre la messe, il y a l'adoration. Il est émouvant de voir tous ces Coréens qui ne parlent que leur langue chanter les cantiques catholiques en latin avec toute la ferveur possible. Il se trouve en effet beaucoup de piété en Corée et celle-ci pourrait s’étendre si l’offre traditionnelle était amenée à se répandre non seulement dans la mégapole de Séoul mais aussi dans tout le pays.


Q – Paix Liturgique – C’est tout pour la Fraternité Saint-Pie X ?

R – João – Pas exactement, il y a aussi ce qu’on appelle la « Résistance ». Vous savez qu’en 2012 il y a eu une scission au sein de la Fraternité Saint-Pie X. Celle-ci eut des conséquences en Corée où l’abbé François Chazal, un prêtre issu de la Fraternité Saint Pie X, passa à la Résistance et poursuivit son apostolat à Séoul. Les débuts ont été difficiles mais aujourd’hui il assure une messe mensuelle qui réunit de 30 à 35 personnes, presque toutes coréennes. Les autres dimanches, lorsque la messe n’est pas assurée, les fidèles se réunissent dans la chapelle pour réciter le chapelet.


Q – Paix Liturgique – Et qu’en est-il du Peuple Summorum Pontificum ?

R – João - J’ai évoqué précédemment le fait que des fidèles étaient entrés très tôt en contact avec Una Voce. Si certains d’entre eux ont été à l’origine des apostolats de la Fraternité Saint-Pie X, d’autres ont profité de la promulgation du motu proprio Summorum Pontificum pour constituer le 14 septembre 2007 la Societas Liturgiae Traditionis Latinae (SLTL) à la fois le jour de la fête de l'Exaltation de la Sainte Croix et aussi celui de la date d'entrée en vigueur du Motu proprio Summorum Pontificum du pape Benoît XVI, promulgué le 7 juillet 2007.


Q – Paix Liturgique – Quelle était le but de cette association de fidèles ?

R – João – Il faut préciser que ce furent surtout des jeunes qui agirent pour lancer cette association. Leur premier objectif fut de créer des groupes d’étude de la liturgie traditionnelle. Pendant 3 ans ces groupes se réunirent pour mieux connaitre les richesses de la liturgie traditionnelle et simultanément cherchèrent à nouer des liens avec des prêtres qui partageaient leur amour de l’usus antiquior. C’est ainsi qu’une première messe selon la forme extraordinaire fut célébrée le 31 octobre 2010, le jour de la solennité du Christ-Roi. A partir de cette date la messe fut célébrée au moins une fois par mois et lorsque cela était possible pour les grandes fêtes, à Noel et à Pâques.


Q – Paix Liturgique – Quelle est aujourd’hui l’action de ce groupe ?

R – João – La mission principale du SLTL est de faire connaitre la liturgie traditionnelle aux Coréens qui pour beaucoup ne la connaissent pas. Parmi les moyens qu’ils ont mis en œuvre il y a un site Internet qui réunit en 2019 plus de 7 000 abonnés repartis dans toutes les régions du pays.


Q – Paix Liturgique – Et c’est auprès de ces personnes que se développe l’apostolat du SLTL ?

R – João – Oui car il faut répondre aux interrogations et préparer la messe mensuelle mais aussi former des servants de messe et constituer des chorales.


Q – Paix Liturgique – Et qu’en est-il des prêtres ?

R – João - C’est une activité importante du SLTL que de faire connaitre son apostolat aux prêtres et d'aider ceux qui le désirent à apprendre à célébrer. Le SLTL a mis en place un groupe de 7 prêtres dont certains sont étrangers comme le père Philippe Blot des missions étrangères de Paris.


Q – Paix Liturgique – Que représentent ces groupes ?

R – João - Il y a beaucoup d’enthousiasme et de volontaires pour ces activités mais malheureusement, l'oratoire où la messe est célébrée, à Guanpo, est un peu éloigné de Séoul et peu de fidèles ont la possibilité d'y aller pour assister à la messe. Cependant en moyenne plus de 50 personnes assistent à la messe chaque mois. Si celle-ci était célébrée au centre de Séoul ce chiffre serait bien plus important.


Q – Paix Liturgique – Pouvez-vous nous présenter votre célébrant ?

R – João – Le prêtre célébrant est le Père Philippe Blot, un prêtre des Missions étrangères de Paris, de la même famille que les premiers missionnaires qui sont arrivés en Corée en 1836. Le Père Blot lui, est arrivé en 1990 et depuis lors, il travaille principalement à une œuvre d’aide aux orphelins qui vivent dans la rue. C’est un prêtre enthousiaste pour la messe traditionnelle et il est très motivé pour mettre en œuvre une célébration à Séoul… dès qu’il obtiendra la permission de l’archevêque.


Q – Paix Liturgique – Quelle impression tirez-vous de votre mission en Corée ?

R – João – J’ai été très impressionné par le sérieux et la piété des catholiques coréens et même si j’ai été un peu surpris par ce qui m’a semblé être une excessive obéissance à leurs pasteurs je suis persuadé que celle-ci leur apportera beaucoup de fruit, car le jour où la Tradition sera officiellement intégrée à la vie de l’Eglise de Corée cela provoquera un vrai tsunami en faveur de la liturgie traditionnelle, qui correspond si bien à la mentalité et à la piété coréenne.


Q – Paix Liturgique – Mais les groupes que vous avez rencontrés sont minuscules par rapport à l’importance du catholicisme coréen ?

R – João – C’est exact mais j’ai senti parmi eux un tel enthousiasme, un tel désir de faire partager le trésor qu’ils ont découvert autour d’eux, qu’ils m’ont fait penser aux premiers apôtres qui ont su changer le monde antique pour en faire un monde chrétien.


Q – Paix Liturgique – Vous pensez donc que ces petites braises vont se propager ?

R – João – J’insiste sur l’enthousiasme et le zèle missionnaire de ceux que j’ai rencontrés et j’ai vu que partout désormais des brindilles s’enflamment en Corée pour la Tradition et cela me fait croire que demain ce pays deviendra plus que la vielle Europe ou les Amériques un foyer rayonnant d’un catholicisme, pieux, authentique et traditionnel en continuité et en fidélité à ces nombreux martyrs sur lesquels s’appuie aujourd’hui l’Eglise de Corée.

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