Notre lettre 1113 publiée le 5 octobre 2024

A POITIERS

COMME PRESQUE PARTOUT AILLEURS

LES DIOCESES SURVIVENT

EN BRADANT L'HERITAGE DU PASSE

MAIS QUE QUE LAISSERONT-ILS

A LEURS SUCCESEURS ?



Mgr Wintzer aime à dire qu’il avait reçu le diocèse de Poitiers avec une situation dégradée – plus d’un million d’euros de déficit structurel – mais qu’il l’a redressée. Rien d’extraordinaire : si les chiffres montrent un léger bénéfice, il a été réalisé au prix de nombreuses ventes et – pour le coup nous donnerions raison au pape François – d’une fixation sur l’argent en laissant de côté les problèmes de fond, celui des vocations notamment. Savez-vous qu’en 2023, parmi ses solutions pour l’Église suite à la crise des abus, il avait proposé de priver de prêtres les paroisses qui ne paieraient pas leur salaire, et il a fallu qu’à plusieurs reprises des élus montent au créneau alors qu’il voulait désacraliser et vendre les églises qui ne servent plus ?


Une maison diocésaine toute neuve

Bâtir une nouvelle maison diocésaine. Ce fut le rêve de tous les évêques de France après le « printemps » du Concile. Mais quand la bise fut venue, on s’aperçu qu’on était dans le rouge.

À Poitiers, c’est pour faire des économies qu’en 2019 qu’a vu le jour, flambant neuve, la maison diocésaine (St Hilaire), sur le parking de l’ancienne maison diocésaine de la Trinité. Anecdote : ce symbole d’une église ouverte n’a aucune fenêtre qui s’ouvre à cause de la climatisation. Dans la chapelle, à côté de l’autel, une chaise fait partie de l’ameublement en fer forgé réalisé en 2019 par Jean-Charles Talent, salles modernes aux parois translucides. Le bâtiment est plus petit que l’ancien pour être moins coûteux d’entretien. Il a coûté 4.5 millions d’euros, dont 1 d’emprunt, grâce aux ventes immobilières.

Économies, économies. À voir. Le diocèse a gardé l’ancien archevêché (1-3 place Ste Croix) où vivent le vicaire général, l’évêque, le curé de la cathédrale etc. L’ancienne maison diocésaine de la Trinité, qui avait été rachetée en 1905 par un chanoine qui l’a rétrocédée au diocèse, et qui servait pour la Direction de l’Enseignement catholique, les services diocésains, de maison de retraite pour les prêtres dépendants etc., a été vendue 3.5 millions d’euros à la société Acapace qui en fait une résidence de grand standing, alors que le diocèse visait initialement une vente à 5 millions d’euros, sauf l’ancienne chapelle transformée à grands frais (avec subventions de la Ville et de la Région, car classée) en auditorium vers 2010 dont le diocèse garde l’usage.

« Pendant des décennies, les fidèles de la Vienne et des Deux-Sèvres ont donné à l’entretien de cette maison diocésaine dont le diocèse a voulu se séparer car elle coûtait 100.000 euros par mois, d’après Mgr Wintzer », relève un fidèle des Deux-Sèvres.

Des travaux d’agrandissement très coûteux ont eu lieu en 2008-2010, puis « d’un seul coup, un jour, il n’y a plus eu d’argent du tout. C’était après la crise des subprimes. Alors ils ont vendu, notamment des presbytères, comme celui de Montierneuf, mais aussi l’ancien lycée jésuite St Joseph des Feuillants (fermé en 2010) en-dessous de son prix au ministère de la Justice, 3 à 4 millions alors que ça en valait le double » qui y a installé la cité judiciaire en 2016. En même temps les religieuses du Sacré-Cœur ont vendu l’autre partie des Feuillants, leur couvent du Sacré-Cœur (datant de 1818) pour en faire un EHPAD – en 2015, où les prêtres du diocèse en retraite, jusque-là logés à la Trinité, ont été transférés.


La grande misère des diocèses de France : à partir de 2013, Mgr Wintzer lance la vente des bijoux de famille

En 2013, pour lutter contre le déficit structurel, le diocèse met ainsi en vente « 8 biens patrimoniaux sur 150 », et tout cela pour couvrir les trous des années précédentes – celles où Mgr Wintzer était déjà l’évêque auxiliaire de Mgr Rouet, depuis 2007 : « Les sommes de la vente de huit des 150 biens immobiliers du diocèse serviront au remboursement d’un emprunt d’un million d’euros contracté ces dernières années afin de « couvrir les charges » qui, selon Marc Taillebois, en charge du service de presse du diocèse, étaient devenues supérieures aux recettes ».

A l’époque, l’économe expliquait que les ventes continueront, vu que le diocèse est dans une « situation inhabituelle de déséquilibre financier » présente depuis plusieurs années que le diocèse espère ainsi « résorber » grâce à la vente « du patrimoine immobilier qui n’est plus utilisé ». « Après un inventaire immobilier auprès des paroisses, on a regardé quel était le patrimoine qui n’était plus nécessaire au fonctionnement, notamment des presbytères où il n’y a plus de prêtres ou qui n’en auront plus dans les années à venir », a ajouté Marc Taillebois, soulignant par ailleurs qu’aucun « bien de grande valeur » ne sera cependant mis en vente, le plus prestigieux étant le presbytère de l’église Saint-Hilaire à Poitiers, 240m2 en plein centre-ville, estimé à 295 000 euros .

En 2017, le diocèse vend une église à Melle ; le vicaire général d’alors explique que sur les 64 églises de la paroisse, 7 sont propriété du diocèse. La même année, France 3 s’intéresse aux lieux de culte vendus par le diocèse :

À Juillé, dans le sud des Deux-Sèvres, la municipalité a décidé de se porter acquéreur de la chapelle abandonnée depuis longtemps par les paroissiens pour l’euro symbolique. “Nous ne sommes pas riches (…) mais on souhaitait que ça reste dans le patrimoine communal” explique le maire du village“. Cela faisait des années que le culte n’y avait pas été célébré – sur les images de France 3 l’on voit sur l’autel poussiéreux un canon d’autel néo-gothique et un missel romain. Au-dessus, un plafond suspendu mangé d’humidité laissait supposer que sa dernière utilisation fut celle d’une salle paroissiale. La cession a été faite par le diocèse car la toiture était à refaire – la mairie souhaitait alors en faire une salle polyvalente.

Le diocèse a vendu en 1986 l’ancien grand séminaire de Mauroc à l’Adapei [Association départementale de parents et d'amis des personnes handicapées mentales], qui utilisait la chapelle en 2017 comme débarras. “À Saint-Benoît (Vienne), la chapelle Mauroc, construite en 1854, est aujourd’hui la propriété de l’Adapei de la Vienne qui souhaite en faire un lieu culturel”, indique France 3. Cette chapelle avait été construite en 1854 à l’initiative du cardinal Pie et consacrée l’année suivante.

Le reportage abordait aussi la cession, prévue, de la chapelle Notre-Dame de Bonsecours à Chérigné, encore affectée au culte – et en bon état intérieur – en 2017. Il s’agit toujours du sud des Deux-Sèvres, à quelques kilomètres de Juillé. Cette cession semble finalement ne pas avoir été faite ».


Réduction du nombre de salariés, baisse du nombre de prêtres

Depuis 2020 le diocèse publie un court document en deux pages intitulé « faits et chiffres » où Mgr Wintzer présente son bilan comme un redresseur d’entreprises : « notre diocèse a connu une situation structurelle déficitaire d’exploitation jusqu’en 2018. Cela signifie que les ressources courantes ne couvraient pas la totalité des dépenses courantes. Entre 2014 et 2019 des économies importantes ont été réalisées : vente de l’ancienne maison diocésaine (près de 9 000 m2) et construction d’une nouvelle maison diocésaine de 2 000 m2 avec un tiers des surfaces louées, réduction du nombre de salariés, baisse du nombre de prêtres...

Grâce à votre générosité et à ces efforts d’optimisation des coûts, nous avons connu pour la première fois un résultat d’exploitation positif en 2019 ! Malgré l’augmentation du Denier, le résultat d’exploitation (hors legs et assurances-vie) est redevenu négatif en 2020 à cause de la crise sanitaire. On estime à 500.000 € la baisse des ressources paroissiales pendant les confinements. Mais ces éléments conjoncturels ne doivent pas masquer l’amélioration globale de la situation financière ».

Cependant, juste à côté, le graphique témoigne de la modestie de ce discours de chef d’entreprise : le seul résultat d’exploitation positif, depuis que Mgr Wintzer est évêque, est donc en 2019 de 120.000 euros. Tout ça pour ça...

En 2021, année où le résultat d’exploitation post-Covid est à nouveau positif (+261.000 €), Mgr Wintzer se félicite : « les charges d’exploitation ont légèrement augmenté (+397 000 €), en raison de la baisse en 2020 de certaines dépenses variables non engagées pendant la pandémie et qui reprennent maintenant un rythme normal mais maîtrisé.

En effet, les efforts importants consentis depuis quelques années par tous les acteurs du diocèse dans la gestion des dépenses : travaux, utilisation de centrales d’achats, réduction des effectifs, économies d’énergie, nouvelle maison diocésaine beaucoup moins coûteuse d’entretien, ont permis de rétablir durablement les finances du diocèse ».

Mais il regrette que « la baisse des effectifs a semble-t-il atteint un point bas. Or, l’inflation élevée, due à la hausse du coût de l’énergie (guerre en Ukraine), et la hausse du SMIC post-présidentielles auront un effet sur les salaires ». Page suivante, un graphique témoigne du résultat de sa politique de bas effectifs et de refus des vocations en tout genre, dont nous avons précédemment parlé : il y a 8 prêtres âgés de plus de 95 ans, 12 de 90 à 95 ans, 47 de 90 à 95 ans, 19 de 80 à 90 ans, et autant de 70 à 80 ans... mais seulement 6 prêtres de moins de 50 ans et 10 de 50 à 60 ans. L’austérité de Mgr Wintzer, c’est l’extinction du diocèse de Poitiers à court ou moyen terme...

En 2022, le commissaire aux comptes se félicite comme s’il avait redressé EDF, « Le résultat net qui se monte à 1.289.725 €, même s’il ne représente qu’un peu plus de la moitié du résultat 2021, reste malgré tout très satisfaisant, laissant une capacité d’autofinancement de près de 2 000 000 €. […] Notre actif net se compose principalement de 7 132 000 € d’immobilier et de 11 406 000 € de disponibilités réparties dans divers comptes et livrets, au diocèse et dans les paroisses ». Mais le résultat d’exploitation est à nouveau déficitaire de 32.000 €. Ce sont les legs, les dons et les ventes qui tiennent le diocèse, comme avant Mgr Wintzer et comme presque partour.

D’ailleurs, tout le « grand œuvre » de Mgr Wintzer pour redresser le diocèse de Poitiers semble bien fragile, puisqu’il a tout fait pour faire fuir les vocations, et que les fidèles ne se renouvellent pas. Ainsi, en mai 2023 les paroisses sont invitées à louer leurs presbytères et leurs salles, quitte à reloger les prêtres qui y habitent (et donc payer), puisque les casuels et les quêtes ne rentrent plus...

L’économe diocésain Thierry Seguin ne dit pas autre chose dans les faits et chiffres de 2022 : « les bons résultats de l’exercice 2022 (1.289.725€) ainsi que des 4 précédentes années ont permis à l’association diocésaine de Poitiers de se désendetter. Les 2 prêts souscrits en 2018/2019 pour la construction de la Maison Saint-Hilaire dont le remboursement était prévu sur 10 ans ont intégralement été remboursés en 3 ans. L’association a pu reconstituer ses fonds propres afin d’avoir la trésorerie nécessaire pour faire face aux fonds dédiés et à un peu plus d’un an de dépenses de fonctionnement.

Il faut néanmoins rester vigilant car chaque année, nous constatons une baisse de nos recettes d’exploitation (en moyenne 1 à 2% par an depuis 10 ans). Le résultat d’exploitation hors legs est déficitaire en 2022 avec une perte de 31.972 €. La forte baisse du denier de l’Église (225 K€) n’a été compensée que partiellement par l’augmentation des autres ressources courantes. Les charges augmentent : masse salariale, frais de déplacements, énergie, carburant, chauffage… Les impôts et taxes, les charges liées aux legs et donations… Les aides financières versées sont en baisse ».

Finalement le diocèse de Poitiers est toujours financièrement fragile. Un mieux peut-être, mais même de ce point de vue, il n’y a pas eu de miracle Wintzer.

En fait, son vrai problème est qu’il n’a presque plus de jeunes prêtres, moins de sacrements, moins de fidèles, ce dernier déficit pesant sur les finances, d’autant qu’il y a moins de patrimoine à vendre pour les sauver. Un diocèse ordinaire en somme. 

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