Notre lettre 1172 publiée le 7 mars 2025
QUAND LES ÉVÊQUES DE FRANCE
EMPÉTRÉS DANS LEUR IDÉOLOGIE
NE COMPRENNENT PLUS
UNE JEUNESSE CATHOLIQUE
QUI NE CORRESPOND PAS " A LEURS CRITÈRES"
EN SOUHAITANT SIMPLEMENT "RESTER CATHOLIQUE"
A la fin de sa dernière autobiographie Espère (Albin Michel), le pape François recommandait de prendre davantage en considération les aspirations de la jeunesse : « Il faudrait demander pardon aux jeunes pour ne pas savoir les écouter, pour ne pas savoir répondre à leurs besoins ».
Les jeunes, parlons-en ! L’univers catholique français ne se distingue pas par un raz-de-marée de jouvence, c’est peu de le dire. La tendance générale est au troisième âge. Les faits, implacables, montrent que depuis les années 70, alors que la population française augmente, le nombre de baptême diminue de façon régulière et continue. Bien entendu, l’on peut se réjouir de la croissance des baptêmes d’adulte ces dernières années, mais numériquement cette embellie ne comble pas la raréfaction des baptêmes d’enfants. Ainsi, si en 1974 77% des nouveau-nés sont alors baptisés (630.000 baptêmes pour 810.000 naissances), cinquante ans plus tard, ils ne sont plus que 10% (environ 70 000 baptêmes d’enfants en 2024 pour 660.000 naissances en 2024). Dit autrement, la transmission de la Foi se révèle de plus en plus redoutable, les cheveux gris ont du mal à s’adjoindre des têtes blondes.
Dans ce contexte général, peu flatteur pour la cathosphère, l’univers traditionnaliste dénote quant à lui par son dynamisme. Non seulement, cette jeunesse résulte d’une généreuse ouverture à la vie des familles qui composent le traditionalisme, générosité qui ne se réalise pas d’une façon aussi généralisée dans les autres composantes du catholicisme français. Mais encore, le dynamisme du traditionalisme se trouve renforcé en s’agrégeant toute une jeunesse déboussolée, en quête de sens et attirée par ce que propose son écosystème. Dans l’univers traditionaliste, les jeunes convertis comme les jeunes parents pour leurs enfants souhaitent un cadre déterminé, vertical, protecteur et engageant pour que la foi puisse s’épanouir et se structurer tout à la fois. Cette jeunesse fait ainsi feu de tout bois, pourvu que soient au rendez-vous la cohérence pastorale et la solidité doctrinale.
Pendant longtemps, l’appareil ecclésiastique français s’est plu à diviser, davantage par calcul politique que par scrupule doctrinal, l’univers traditionnel : « séparés de Rome », « pas en pleine communion », « schismatiques », « intégristes »... Ces qualificatifs ambitionnaient de faire peur aux éventuels fidèles tentés d’embrasser l’écosystème traditionnel pour le résultat que l’on sait.
60 ans après le Concile Vatican II, près de 40 ans après les sacres de Mgr Lefebvre, les jeunes conquis par la tradition liturgique ne s’embarrassent pas – et c’est tant mieux – de ce type de considérations pointilleuses. Un récent article publié le 24 février 2025 dans La Croix en faisait l’écho : « Les frontières s’estompent chez les jeunes, dans le monde “tradi” » et constatait la grande porosité entre les différentes galaxies traditionnalistes. Sur le terrain, les jeunes baptisés cherchent en effet à vivre leur vie spirituelle dans une sérénité doctrinale et liturgique. Que la messe traditionnelle soit célébrée par des prêtres de la Fraternité Sacerdotale Saint- Pie X ou par des prêtres de communautés ex-Ecclesia Dei ou par des prêtres diocésains, ce qui importe à ces jeunes est de bénéficier du même tout. Les vexations dont les traditionalistes font l’objet n’entament pas d’une façon majeure leur développement. Mieux encore, depuis Traditionis Custodes, les énergies s’unissent. A l’image du principe de réalité qui veut que, sur le terrain politique, la base militante de droite se rencontre et se parle, de LR au RN, au point de presser les responsables de leurs partis à sortir d’une logique de tranchée mortifère, de même la base des jeunes fidèles attachés à la messe traditionnelle ou, à tout le moins attirés par elle, goûtent la liturgie tridentine où qu’elle se trouve et poussent les prêtres traditionnalistes à sortir de tout esprit de chapelle.
Bâtir des ponts et faire tomber des murs, voilà un souhait du pape François qui est en train de se réaliser au profit du traditionalisme. Les jeunes vivent un changement de paradigme profond : ils vivent dans un pays où la religion catholique est devenue situation minoritaire devant le tsunami athéiste, les coups de butoir de l’islamisme et le cancer des abus dans l’Eglise. Ces jeunes refusent de se payer le luxe de divisions qui leur apparaissent stériles. Point tant par relativisme que mus par un pragmatisme de terrain. Durant un incendie, on ne demande pas à celui qui vous tend le seau sa carte d’identité.
« Il faudrait demander pardon aux jeunes pour ne pas savoir les écouter, pour ne pas savoir répondre à leurs besoins » disions-nous en citant le pape François. Que les évêques ne se trompent pas : en écoutant les jeunes qui ont été saisis par l’écosystème traditionnel, ils seraient surpris par leur bon sens. La jeunesse du monde traditionnel ne s’explique pas par le goût du raidissement, la quête identitaire, la nostalgie des croisades, la mode du virilisme ou la passion du formol. Ces jeunes recherchent tout simplement des espaces de respiration et se refusent aux préjugés. A l’heure du rejet de la foi, ils ne comprennent pas les oukazes et les attitudes caporalistes qui, justement, leur semblent d’un autre temps. Leur soif est tout simplement spirituelle, et cette source, la providence leur a permis de la trouver dans le prodigieux corpus doctrinal de la tradition de l’Eglise. Ce qui les assouvit et les émerveille, c’est la cohérence du contenu et la profondeur de la praxis. Le catéchisme et la liturgie. L’enseignement et la prière.
A travers cette jeunesse résolue et habitée par une détermination tranquille, ce qu’atteste l’attachement à la messe traditionnelle, c’est, en fin de compte, un désir de survie dans un cadre qui s’étiole. Les évêques devraient les remercier plutôt que de leur chercher des poux.